Le nord du Laos

 

Du 24 mars au 9 avril 2018

Arrivée au Laos et découverte de Luang Prabang

 

Nous avons quitté l’ouest de la Thaïlande en bus de nuit pour rejoindre Nong Khai, dernière ville Thai reliée au Laos par le pont de l’Amitié enjambant le Mékong, frontière naturelle entre les deux pays. Après une nuit agitée dans le bus, les sollicitations des taxis qui nous ont littéralement sauté dessus pour nous amener au poste frontalier à trois kilomètres de là, nous ont paru trop agressives. Nos plans étaient ailleurs, nous avions repéré un bus local sensé nous amener à Vientiane, capitale du Laos, directement depuis la gare routière où le bus venait de nous déposer. Cependant, la vendeuse a refusé de nous vendre des billets sous prétexte que nous n’avions pas encore le visa Laotien, qu’il nous faudrait donc faire à la frontière, ce qui retarderait les autres passagers du bus. Nous avons eu beau essayé de discuter, sachant que la démarche ne serait pas si longue, elle n’a rien voulu entendre. N’ayant cette fois pas le courage de marcher, nous avons cédé (non sans négociation) à un chauffeur de moto-tuk-tuk avec l’espoir d’arriver à rattraper le bus pour la capitale, côté Laotien. Même si en effet notre passage de la frontière n’aura pas été long, nous échouerons à rattraper ledit bus mais trouverons très vite un bus local qui nous amènera pour trois fois rien à Vientiane.

Comme dans les descriptifs que nous avions pu lire, la capitale Laotienne nous a bel et bien semblé endormie au bord du Mékong. La première ville du pays était d’une tranquillité que nous n’avions jamais constatée jusqu’à présent en Asie ! Nous avions seulement prévu de nous y arrêter quelques heures, escale obligatoire avant de prendre un second bus pour la ville de Luang Prabang, bien plus intéressante touristiquement parlant. A Vientiane, nous avons tout de même visité de majestueux temples bouddhistes avant de finir l’après-midi posés à côté de leur arc de triomphe. 

Le Patuxai, l'arc de triomphe du centre de Vientiane. De part et d'autre, un nombre astronomique de bancs financés par des entreprises. Un exemple parmi d'autres du niveau de pauvreté du pays.
Le Patuxai, l'arc de triomphe du centre de Vientiane. De part et d'autre, un nombre astronomique de bancs financés par des entreprises. Un exemple parmi d'autres du niveau de pauvreté du pays.

Nous sommes ensuite arrivés à Luang Prabang à 5h30 du matin, sans réservation d’hébergement. Nous avons simplement décidé de marcher en direction du centre pour trouver un hôtel acceptant un enregistrement très matinal. Bien que la ville soit la plus chère du Laos, nous avons trouvé sans difficulté où nous loger pour un tarif très raisonnable et après deux heures de repos, nous sommes partis à la découverte du centre historique classé à l’Unesco. Ancienne province de l’Indochine, nous n’avons pas tardé à trouver les premières traces du demi-siècle de présence française : les pâtisseries ! Nous n’avons pas boudé notre plaisir d’un petit déjeuner de croissants et pains choc’ après cinq mois de voyage en Asie. Miam !

Nous avons été très vite séduits par le charme que dégage cette petite ville de 50 000 habitants. Son centre historique est magnifiquement constitué d’anciennes maisons de style colonial avec une multitude de somptueux temples. Malheureusement, avec l’augmentation des tarifs dans cette zone, les habitants l’ont peu à peu désertée et ainsi laissé place à nombre de restaurants, hébergements et autres boutiques de souvenirs. 

Le deuxième jour, le réveil a sonné à 5h30 pour aller assister à la cérémonie d’offrande du riz aux moines qui se déroule dans les rues de la ville. Nous avions lu que Luang Prabang était la ville du Laos où ce rituel était le plus impressionnant à voir. Cela a en fait été une grosse déception : la « cérémonie » s’est hélas transformée en attraction touristique, tout du moins sur l’artère principale. Alors oui c’était impressionnant à voir, mais bien davantage pour sa proportion touristique démesurée que pour sa solennité. En principe, ce sont les locaux qui font des offrandes aux moines. Si c’est encore vrai dans les petites ruelles, sur l’artère principale, des centaines de touristes en majorité chinois débarquent juste avant la cérémonie et s’assoient en ligne sur de petits tabourets en plastique prévus à cet effet pour participer (moyennant finances) à l’offrande, appareils photos dans les mains de leur guide qui les mitraille. Dans le genre cirque touristique, on ne fait pas mieux ! Des paniers sont même installés tout au long du parcours pour que les moines puissent se débarrasser au fur et à mesure du trop-plein d’offrandes ! Nous ne savons pas ce que devient ensuite le contenu de ces corbeilles. Ce n’est qu’en nous éloignant vers des petites rues adjacentes que nous avons retrouvé un peu d’authenticité.

Groupe de chinois en pleine répétition du rituel, quelques minutes avant le passage des moines.
Groupe de chinois en pleine répétition du rituel, quelques minutes avant le passage des moines.

Puisque la météo était plus que menaçante, nous avons ensuite passé la matinée à l’hôtel, afin d’avancer nos articles sur la Thaïlande (eh oui, ils ne s’écrivent pas tout seuls et sont même plutôt chronophages dans le genre !). L’après-midi, nous avons poursuivi notre visite de la ville et c’est en fin de journée que nous avons rencontré une Laotienne avec qui nous avons discuté plus d’une heure, tous trois assis tranquillement sur un banc public. Nous en avons appris beaucoup sur le Laos et elle était contente de pratiquer l’anglais avec nous. Nous venions à peine d’arriver dans le pays mais nous comprenions déjà à quel point les jeunes laotiens ont conscience de l’importance d’apprendre l’anglais pour obtenir des emplois plus rémunérateurs, principalement dans le tourisme qui se développe doucement. Pendant tout notre séjour dans le pays, il était donc relativement aisé d’échanger avec les jeunes, plutôt demandeurs. Ça tombait bien, nous avions également envie de parler !

Mi, notre rencontre du jour, nous a appris qu’elle allait épouser un français deux fois plus âgée qu’elle. Intrigués par sa situation que nous avions bien souvent observée en Thaïlande, elle nous a raconté sans détour son histoire. Un jour, un touriste français en quête d’informations touristiques sur la région s’est adressé à elle dans l’agence de voyage dans laquelle elle travaillait. Le lendemain, il était de retour, le surlendemain également, et ce tous les jours pendant plusieurs semaines, prétextant à chaque fois un motif différent. Il lui faisait des compliments, était gentil avec elle, respectueux. Leur histoire a ainsi commencé. Elle nous a dit que la différence d’âge de vingt-cinq ans ne lui posait aucun problème car il fait 10 ans de moins. Elle a ajouté en rigolant qu’elle préfèrerait épouser le fils qu’elle trouvait très mignon et qui est dans les mêmes âges qu’elle ! Elle avait d’ailleurs taquiné son futur époux avec ça ! Jamais elle ne nous a parlé d’amour et nous n’avons pas poussé la conversation jusque-là, mais nous aurions peut-être dû. En effet, elle ne semblait pas gênée le moins du monde à nous confier tout cela, d’ailleurs confier n’est certainement pas le bon terme à utiliser. Elle ne se posait apparemment pas de questions sur ses sentiments et ne cachait pas que sa vie sera plus confortable avec lui. 

Nous avons ensuite assisté à un spectacle de théâtre, danse et musique traditionnels traitant d’une d’un mythe bouddhiste au théâtre national. Nous étions une quinzaine de touristes, les trois-quarts français, et le présentateur faisait ses annonces en laotien, en anglais et en français avec des tournures de phrases désuètes, le tout ponctué de multiples courbettes. La salle était d’un autre âge et les décors enfantins. Quant au jeu des acteurs, ils ont été dignes d’un spectacle de fin d’année d’une école ! Nous ne pensons pas avoir été particulièrement sévères dans notre jugement, les acteurs étaient jeunes et bien souvent distraits, ils parlaient même entre eux sur scène. Venant au théâtre national, nous nous attendions à plus de professionnalisme. A la place, c’était assez drôle à voir, et plutôt gênant car cela nous a donné l’impression d’être de retour à l’époque coloniale. 

On vous rassure, les Laotiens ne ressemblent pas au monsieur à droite. C'est un masque !
On vous rassure, les Laotiens ne ressemblent pas au monsieur à droite. C'est un masque !

Le lendemain, nous avons décidé de louer un scooter pour aller visiter les alentours, non sans crainte. Ici, les loueurs exigent le passeport en caution, et le passeport seulement, une première pour nous en Asie. A Luang Prabang spécifiquement, nous avions lu sur la toile plusieurs retours d’arnaque aux touristes sous forme de vols de scooter par le loueur lui-même, qui demande ensuite au locataire de débourser 2000 dollars pour lui repayer un scooter, neuf ! Au moment de la location, le touriste aura bien entendu signé un document évoquant les conséquences en cas de vol et s’il refuse de signer, pas de scooter ! La police est évidemment de mèche et le loueur ayant votre passeport, vous êtes bien forcé de payer. Nous avons même lu l’histoire de touristes qui avaient fait appel à l’ambassade de France à Vientiane, leur expliquant la situation (l’arnaque était déjà connue de l’ambassade), les sollicitant pour faire un nouveau passeport et contourner l’arnaque. Cependant, pour pouvoir faire un nouveau passeport (ou passeport provisoire), il faut obtenir un document de déclaration de perte de l’ancien passeport par la police... Ces touristes, accompagnés d’un représentant de l’ambassade, avaient finalement eu la surprise de retrouver au poste de Vientiane le policer de Luang Prabang avec qui ils avaient traité du vol en première instance, avant de comprendre qu’il était dans le coup. L’ambassade n’avait pas pu les soutenir face aux autorités et ils n’avaient pas eu d’autre choix que celui de payer. Heureusement, tout se passera bien pour nous et rien ne viendra gâcher la découverte d’une très jolie cascade accompagnée d’une baignade très fraîche pour Vincent. 

Au retour de cette escapade, nous avons apprécié la fin de journée au bord du Mékong à admirer la lente déclinaison du soleil. Un vieux monsieur laotien, qui avait dû nous entendre parler entre nous auparavant, nous a abordés en français. Rapidement, il nous a proposé un verre d’alcool de riz maison appelé localement le lao-lao. Il nous a également initiés à un proverbe national que nous entendrons de nombreuses fois dans le pays : « les verres de lao-lao, c’est comme les jambes, ça va par deux car avec une seule jambe, tu ne peux pas marcher ». Après cette explication, il était difficile de refuser le second verre. Bon, quand il a commencé à nous dire que nous avions également deux bras, nous avons compris que ce brave monsieur avait quelque peu détourné l’adage local et se cherchait de la compagnie pour picoler.

Direction le nord, via Muang Khua

 

Après quatre journées très agréables à Luang Prabang, nous avons décidé de nous rendre dans des petits villages perdus au bord d’une rivière, à la rencontre des laotiens.

 

Nous nous sommes ainsi dirigés vers la gare routière de Luang Prabang afin de prendre un bus en direction de Muang Khua. Pas de chance, le bus de 9h, s'était rempli rapidement et était donc déjà parti, malgré que nous ayons respecté la consigne du vendeur de billets d’arriver une heure en avance. Nous devions désormais espérer que le prochain bus soit plein avant l'heure (11h), sachant qu’il fallait être douze passagers. Pendant près de deux heures, nous avons donc observé l’activité de cette petite gare locale où personne ne s’impatiente car son bus met du temps à partir et nous-mêmes nous ne nous sentions pas pressés, c’était comme ça au Laos.

Après quelques heures de trajet, il nous fallait maintenant prendre une sorte de petite pirogue pendant une heure. Ça a été la grosse déception pour Vincent car l’embarcation était aux trois quarts pleine de touristes. Cette tendance s’est confirmée en arrivant au village de Muang Ngoy : cette petite bourgade était en pleine ébullition touristique sans doute grâce/à cause de quelques guides touristiques qui l’avaient mise dans les itinéraires conseillés. Il faut dire qu’il avait du charme ce patelin au bord de la rivière et seulement accessible par celle-ci, dans le genre perdu au milieu de nulle part. Néanmoins, ça faisait drôle de voir autant d’hébergements avec de la peinture à peine fraîche ou en construction, à croire que chaque habitant construisait une guest-house. Le village étant très petit (moins de mille habitants), cela donnait lieu à une étrange cohabitation entre habitants ne profitant pas du tourisme et donc très pauvres, habitant plus fortunés et touristes en nombre. C’est à partir de ce moment que nous nous sommes dit qu'à l'avenir, il faudrait que nous nous méfions davantage des conseils de balades donnés par les guides. De notre côté, il n’était pas prévu de loger dans ce village mais de marcher jusqu’au suivant, à cinq kilomètres dans les terres, suivant le tuyau donné par un belge rencontré lors de notre retraite de méditation. Après une bonne heure de marche sur un chemin de terre, nous sommes arrivés au village de Ban Na, plus authentique. Ici, il n’y avait qu’un seul hébergement à deux euros la nuit pour une chambre double aux cloisons de bambous, sans électricité ni eau courante, ce qui était le cas de pratiquement tout le village. Seules certaines maisons bénéficiaient de quelques heures d’électricité par jour grâce à une petite turbine se mouvant avec le courant d’eau de la rivière voisine.

Nous avons passé deux jours vraiment forts à Ban Na entre football avec les enfants, visite du village où nous pouvions observer les habitants confectionner sur le pas de leurs portes certains produits d’artisanat destinés aux touristes et discussions avec le fils de la propriétaire qui parlait un peu anglais. La vue sur les rizières depuis la terrasse de notre hébergement était vraiment belle et nous a permis d’observer la vie locale :

 

6h-7h : départ des enfants qui vont à l’école secondaire à Muang Ngoy à 5km, tenant leur nourriture du petit-déjeuner dans la paume de la main, consistant en une boule de riz collant avec quelques bouts de viande dessus

7h-8h : départ des femmes et des hommes aux champs, souvent situés à plusieurs kilomètres

15h : retour des enfants de l’école. A peine arrivés, ils sont envoyés par leurs parents cueillir des végétaux sauvages comme des jeunes pousses de bambou et chasser des petits rats dans les champs.

Fin de journée avant la tombée de la nuit : chacun semble avoir son heure pour aller prendre son bain dans la rivière, et mieux vaut ne pas arriver après les buffles qui reviennent de leur bain de boue…

La visite des deux villages voisins à Ban Na, qui s’enfonçaient également dans les terres par rapport à Muang Ngoy, nous a laissé un avis mitigé. Si, pour Houay Bo, le premier, nous avons été accueillis avec des sourires, c’est avec indifférence des adultes et nombreuses sollicitations d’enfants réclamant des bonbons et des crayons que nous avons été accueillis dans le second, Houay Sen. Nous avons facilement deviné pourquoi : à Houay Bo, nous n’avons croisé aucun touriste, mais à Houay Sen, nous avons vu plus d’une dizaine de personnes nous y compris défiler en moins de trente minutes. Nous nous sommes d’ailleurs sentis tout de suite mal à l’aise car nous avons davantage eu l’impression d’être des voyageurs-voyeurs où il est bien plus difficile d’entrer en contact avec des habitants qui sont lassés de répondre aux « hello » des touristes qui viennent les prendre en photo chez eux. Ils n’avaient clairement plus de plaisir à faire découvrir à des étrangers leur village et leur façon de vivre. En retournant passer une deuxième nuit à Ban Na après cette balade dans les environs, nous étions vraiment contents de notre décision de rester deux nuits dans le village car nous avons senti que les habitants nous avaient repérés, ce qui nous permettait de les aborder plus facilement.

Le soir-même, en dinant avec le fils, nous avons appris que le lendemain était un jour spécial pour le village : c’était un jour de pleine lune et les villageois devaient se regrouper pour une tâche commune pour le village et cette fois, il s’agissait de construire un nouveau bâtiment en bambou pour l’administration de l’école primaire. Nous avons donc réglé notre réveil et assisté à leur travail d’équipe, dans la bonne humeur. Il n’aura fallu qu’une matinée pour fabriquer et monter les murs en bambou du bâtiment dont les fondations et la charpente étaient déjà en place. C’est d’ailleurs vraiment impressionnant tout ce qu’ils savent faire avec ce matériau !

Au retour de Ban Na, nous avons passé une dernière nuit à Muang Ngoy, au bord de la rivière, qui offrait plus de possibilités pour fêter l’anniversaire de Mélanie et permettait également d’être déjà sur place pour prendre le bateau le lendemain matin direction l’extrême nord du pays.

Le pari Pongsaly

 

 

Direction ensuite Phongsaly, ville située dans la région la plus septentrionale du pays, en général boudée des voyageurs du fait de sa difficulté d’accès, puisqu’il y a entre quinze et dix-sept heures de bus depuis Luang Prabang. Depuis Muang Ngoy, il nous a fallu deux jours pour y arriver, dont neuf heures de bus pour parcourir 170 kilomètres ! Pour nous, cette région encore préservée était au contraire parfaite pour réaliser notre trek dans la montagne à la découverte des ethnies du Laos. 

Une fois sur place, nous avons passé la première matinée à étudier les tarifs des deux compagnies qui se partageaient le marché des randonnées : l’office de tourisme et une agence privée. Nous avons finalement retenu la première, bien meilleur marché. Le départ a été fixé le surlendemain. 

En attendant, nous sommes partis à la découverte de cette petite ville de 7 000 âmes et avons attiré de nombreux regards curieux et sourires timides de ses habitants encore (très) peu habitués aux touristes. De retour d’une colline pour admirer le point de vue sur la ville, nous avons repéré des boulodromes à l’intérieur d’une enceinte qui semblait être un bar. La pétanque, introduite par les français, est très populaire dans le pays. De la rue, nous avons aperçu des hommes en uniforme en train de jouer, avec de la musique et de nombreux éclats de rire comme ambiance sonore. Nous nous sommes approchés et rapidement les joueurs qui étaient en fait des policiers nous ont invités à nous asseoir et à boire avec eux. Nous avons découvert avec amusement que nous étions en plein rassemblement annuel des policiers du coin qui célébraient avec quelques jours d’avance le Nouvel An bouddhique. Nous ne savons pas comment se passent les soirées entre policiers en France, mais nous pouvons vous dire qu’au Laos, ils ont une sacrée descente de bières ! Il faudra nous croire sur parole car bizarrement ils n’ont pas voulu que nous prenions une photo…

*Voir ci-dessous un article intéressant sur la présence chinoise au Laos, que nous avons également pu observer sur le terrain : http://www.liberation.fr/planete/2015/10/19/le-gouvernement-a-vendu-le-nord-du-laos-a-la-chine_1403150

La veille du trek, nous avons décidé de nous mettre en jambe en rejoignant une plantation de thé vieille de 400 ans située à une quinzaine de kilomètres. Sur la route, nous nous sommes arrêtés dans une école secondaire rendre visite aux élèves et professeurs, qui eux aussi étaient fans de la pétanque !

Et ils jouent de l'argent à chaque fois !
Et ils jouent de l'argent à chaque fois !

Sur le chemin du retour, les gens nous ont regardé amusés et nous ont souris, alors que certains jeunes enfants ont eu peur en nous voyant. Nous sommes passés à côté d’une fête de village et nous nous sommes encore une fois fait inviter à partager quelques bières, cela devenait une habitude !

Un trek de 4 jours et 3 nuits

 

L’idée d’effectuer un trek en montagne traversant des villages isolés où vivent des ethnies nous trottait dans la tête depuis le nord de la Thaïlande. Moins touristique, la région de Pongsaly s’est révélée être un choix pertinent pour le Laos. Nous qui avions peur de nous sentir de nouveau « voyageurs-voyeurs », nous avons ressenti de la curiosité et beaucoup de timidité de la part des habitants qui n’étaient clairement pas habitués à voir des visiteurs occidentaux. Le guide nous a confirmé nos impressions en nous expliquant que les habitants étaient contents de nous faire découvrir leur village, d’autant que nous leur montrions de l’intérêt non simulé. 

L'arrivée dans le premier village nous a mis très vite dans l'ambiance. Nous avons appris qu'un chaman était arrivé aujourd'hui d'un village voisin pour "guérir" un enfant du village très malade, qui rentrait tout juste de l'hôpital. Au début du repas, nous avons assisté un peu médusés à une scène très solennelle : le chaman a examiné successivement les pattes puis la tête d'un poulet tout juste sacrifié avant de les donner à manger à deux membres de la famille de l'enfant malade. Le silence était roi malgré que nous étions plus d'une quinzaine de personnes dans la pièce. Le guide nous a ensuite annoncé qu'une cérémonie était prévue après le dîner, où serait sacrifié un cochon (il était déjà 21h !). Il était prévu que le rituel dure toute la nuit, l’événement était assez exceptionnel. Lui-même, pourtant issu d'un village appartenant à la même ethnie, n'avait jamais eu l'occasion d'y assister.

 

Nous avons demandé au guide si nous pouvions y assister. Les autres personnes présentes nous ont répondu par l'affirmative. Autant vous dire que nous étions assez excités. Puis le chaman a pris la parole et tout le monde s'est tu. Il s'est adressé à notre guide dont le visage est devenu tout à coup grave. Il nous a par la suite traduit les propos du chaman : nous ne pouvions pas assister au rituel qui allait durer toute la nuit plus une partie de la matinée car......nous  nous ne pouvions pas assister à la cérémonie en entier ! En effet, il ne fallait pas que nous partions tard car nous avions trop de route jusqu'au village suivant et quitter le village avant la fin du rituel risquerait de faire échouer tout le processus qui, nous le rappelons, doit aider à guérir un enfant. Bien entendu, nous n'avons pas insisté. A posteriori, peut-être aurions-nous dû rajouter un jour au trek et ne partir pour le village suivant que le lendemain... Dommage !

A gauche, le chaman. Les villageois utilisent ce bambou pour fumer, avec de l'eau au fond, qui dilue un peu leur tabac.
A gauche, le chaman. Les villageois utilisent ce bambou pour fumer, avec de l'eau au fond, qui dilue un peu leur tabac.

Comme nous pouvions nous y attendre, la nourriture était plutôt rustique. Au menu : beaucoup de riz collant, des pousses de bambou accompagnées d'autres légumes et surtout des viandes plus ou moins douteuses. Eh oui, dans ces villages isolés, ils mangent ce qu'ils chassent ou élèvent. Une fois, une sorte d'opossum était au menu. En l'ouvrant pour le préparer, notre guide a poussé une exclamation de joie et nous a dit avec un grand sourire : "Vous avez de la chance, la bête a un petit !". Bon, de notre côté, nous étions moins enthousiastes, mais Vincent s'est laissé tenter par une patte du fœtus, car le guide nous a expliqué que c'était de la viande de premier choix. Autant vous dire que Vincent n'a pas été convaincu par cette chair à peine formée et bouillie... Notre guide, se régalant, a alors proposé à Vincent de partager la tête, mais celui-ci lui a répondu gentiment que c'était déjà pas mal pour une première fois ! Une autre fois, nous aurons droit à un écureuil séché en partie véreux... Bon appétit ! Nous vous rassurons, nous avons également eu droit à de beaux morceaux de poulet et de porc ! =) 

Timides au début à la vue de l'appareil photo, les enfants se sont finalement laissés approcher et étaient morts de rire en voyant le résultat des prises de vue.

Nous avons assisté à des scènes de vie vraiment incroyables et très instructives sur le mode de vie de ces ethnies, même si la répartition des tâches, notamment chez les Akas, était très (très) loin d'être équitable !

Le chef de village et sa femme en train de travailler dans leurs champs en rizière. Ce n'est pas rare que la femme y travaille seule et parfois même avec son enfant en bas-âge sur le dos !
Le chef de village et sa femme en train de travailler dans leurs champs en rizière. Ce n'est pas rare que la femme y travaille seule et parfois même avec son enfant en bas-âge sur le dos !

La scène la plus surprenante ?

Le troisième jour, nous avons assisté à la construction d'un village entier ! Deux jours avant notre arrivée, les villageois ont déménagé de leur précédente localisation située à quelques kilomètres de là. Ce déplacement avait pour but de se rapprocher de la route (pour l'instant piste de terre) nouvellement construite par le gouvernement, ainsi que d'avoir un meilleur accès à l'eau. Il était prévu qu'ils aient l'électricité dans un futur plus ou moins proche. Plusieurs centaines de villageois avaient donc tout simplement démonté leurs maisons en bois, qu'ils ont remontées quelques kilomètres plus loin. Cette situation très improbable a donné lieu à de sacrées scènes de vie !

Photo en compagnie du chef du village, de sa femme et de leurs enfants. Ils n'étaient vraiment pas habitués aux photos... La femme du chef était vraiment très timide !
Photo en compagnie du chef du village, de sa femme et de leurs enfants. Ils n'étaient vraiment pas habitués aux photos... La femme du chef était vraiment très timide !

Nous garderons très longtemps en mémoire cette expérience qui oblige à l'humilité. Loin d'arriver en voyeurs dans ces villages à des années lumières de nous, nous avons au contraire apprécié de découvrir leur mode de vie. D'un village sur l'autre, nous avons noté des éléments de modernisation (arrivée des pistes, de l'électricité, des téléphones portables, des scooters). Il reste à savoir si ces ethnies vont conserver leurs coutumes à l'avenir...

 

Mention spéciale à notre guide, qui, parlant le dialecte local, nous en a appris beaucoup et a ainsi pu servir de traducteur. Nous nous souviendrons longtemps des fous rires lorsque l'on a demandé si le chef du village pouvait nous raconter des légendes locales. En retour, nous avons improvisé à traduire les fables de La Fontaine, en adaptant un peu à l'Asie. Ainsi, le roseau s'est transformé en bambou (bon, et puis on ne connaissait pas la traduction du mot roseau en anglais, et il y avait peu de chance pour que le guide connaisse ce mot de toute façon !). Pour information, comme on pouvait s'en douter, les histoires de villages racontées tournaient presque exclusivement autour des valeurs familiales.