Du 28 février au 8 mars 2018
Chiang Mai
Après Ayutthaya, nous sommes arrivés par un train de nuit à Chiang Mai, deuxième ville du pays. Nous nous serions crus dans le quartier Thamel à Katmandou avec une concentration inimaginable de touristes, restaurants, hébergements et agences. Lassés des temples et désireux de planifier la suite avec minutie, nous ne sommes pas trop partis visiter la ville.
En chemin vers un spectacle de lady boy (un autre incontournable de Thaïlande), nous avons croisé un temple chinois et par-dessus le mur, Vincent a vu des personnes qui semblaient répéter un spectacle avec un dragon de papier. Intrigués, nous sommes revenus plus tard et avons discuté avec un jeune en train de garder les lieux. Nous avons vaguement compris qu’il s’agissait d’une célébration ayant lieu le lendemain. Il nous a dit de revenir le jour suivant à 6h du matin.
Pas certains d’avoir bien compris, nous nous sommes tout de même levés à 5h pour rejoindre le temple où nous avons découvert une cinquantaine de jeunes en train de se maquiller et de se déguiser. Manque de chance, le défilé n’avait pas lieu sur place, mais un encadrant nous a proposé de nous amener au lieu de départ.
En arrivant, nous avons constaté qu’il y avait déjà d’autres groupes de personnes, eux aussi déguisés. L’événement avait l’air important. Nous avons ensuite été invités à prendre le petit-déjeuner. La parade a démarré à 8h après quelques mots du maire.
En fait, les dragons se présentaient devant des boutiques où les commerçants les attendaient avec une enveloppe contenant un don. En retour, ils recevaient un petit bracelet symbolisant les larmes du dragons et leur apportant chance, longévité et prospérité.
Nous n’avons pas boudé notre plaisir d’avoir vu l’événement se préparer depuis les coulisses, et nous avons suivi la parade un bon moment dans les rues.
Concernant la suite, Chiang Mai était le point de départ de très nombreux treks passant dans des villages montagnards de minorités ethniques. Le nombre d’agences en ville nous a donné le tournis. Pourtant, il n’était pas question pour nous de rejoindre l’un de ces tours, nous craignions qu’ils soient trop inondés de touristes, et pas non plus question d’aller voir les femmes girafes. Quelques recherches internet ont suffi à nous convaincre : ces femmes d’origine birmane étaient exploitées et ne pouvaient pas sortir de leurs villages. Le terme zoo humain n’était hélas pas trop fort.
En s’éloignant de Chiang Mai, deux boucles étaient possibles : celle de Mae Hong Song à l’ouest ou celle du Triangle d’Or au nord. Puisque que le monastère où nous allions ensuite effectuer une retraite de méditation était dans l’ouest, nous avons décidé de faire la boucle nord. Concernant le moyen de transport, nous nous voyions mal louer un scooter pendant une semaine pour 600 kilomètres, dont une bonne partie à la montagne. La vision des tatouages thaïlandais – surnom donné aux larges cicatrices dues aux nombreuses chutes des touristes, moins habitués à conduire un scooter – nous avait calmés. Nous avons donc opté pour la location d’une petite voiture.
Une semaine sur les routes du nord de la Thaïlande
A la rencontre d’une famille Lisu à côté de Chiang Dao
Armés de notre Lonely Planet 2012, nous avons repéré pour le premier soir un petit village avec hébergement rustique éloigné de la route principale. Nous avons décidé de chercher à y dormir.
Inutile de vous dire que l’arrivée en voiture a attiré le regard des habitants. Nous n’étions pas franchement à l’aise mais nous nous y attendions. L’achat d’une boisson à une vendeuse locale nous a donné un prétexte pour engager la conversation : nous lui avons demandé où passer la nuit. Elle nous a orientés vers une première personne plutôt bizarre qui nous a montré un bâtiment pas vraiment accueillant, plutôt inattendu pour y faire dormir des visiteurs. Nous sommes alors repartis en arrière et avons abordé quelqu’un qui nous paraissait sympathique. Il nous a proposé de venir dormir chez lui puis nous a fait visiter son logement : il s’agissait d’une grande maison familiale en dur et nous avions notre propre chambre, c’était vraiment le luxe. Cependant, il ne nous a pas parlé de prix. Désireux de régler ce point avant d’accepter, nous lui avons proposé un prix raisonnable pour le gîte et le couvert qu’il a accepté. Nous avons rapidement laissé nos affaires dans la chambre et sommes retournés à côté de nos hôtes pour faire connaissance.
Nous avons eu de la chance, notre hôte parlait quelques mots d’anglais ainsi que deux de ses sœurs qui étaient aussi présentes. Elles ont émigré en Australie il y a quelques années et ouvert un restaurant de cuisine thaïlandaise avec un de leurs frères. Elles rendaient visite à leur famille une fois par an, nous étions donc vraiment chanceux de les croiser. Nos hôtes formaient une fratrie de 12 enfants, car comme nous l’a fait remarquer une des sœurs en rigolant : « Before, no TV ! ». Nous les regardions cuisiner le dîner accroupis sur le sol. Nous avons appris que le village était composé uniquement de Lisu, une minorité ethnique catholique d’origine chinoise.
Un peu plus tard, un homme est arrivé avec un sac plastique dans chaque main. Nous avons compris qu’il venait proposer sa chasse du jour à la vente. De loin, on aurait dit des grains de riz blancs, mais on nous a informés qu’il s’agissait de vers plutôt rares. Passée la surprise, nous avons posé la question qui nous brûlait les lèvres : « Vous allez en acheter ? ». La réponse était positive, nous vous laissons imaginer la suite…. Nous étions venus dans ce village pour rencontrer des locaux et nous avions vraiment décidé de montrer notre intérêt pour leur mode de vie, donc de manger comme eux. Finalement, les vers en salade, c’était loin d’être mauvais, à condition de ne pas trop se poser de questions quand on croque dedans. Nos hôtes guettaient notre réaction avec le sourire mais c’est sans mentir que nous leur avons dit apprécier le repas. Nous avons ensuite enchaîné par un morceau de viande dont le goût plutôt fort ne nous évoquait étrangement rien. Nos hôtes peinaient à nous faire comprendre ce dont il s’agissait et c’est finalement avec internet que nous avons identifié une sorte d’opossum, également acheté à un chasseur local. Pas de singe au menu, non pas qu’ils n’en mangeaient pas dans le village mais le frère n’aimait pas le gout. Le repas s’est terminé arrosé de whisky Lisu fabriqué artisanalement à partir de riz et de maïs.
Nous en avons profité pour en apprendre un peu plus sur eux. Le frère rencontré en premier tenait une ferme avec ses sœurs restées au village. Cela permettait de subvenir à tous leurs besoins, mais ils ne gagnaient pas beaucoup d’argent avec, car ils ne participaient pas aux marchés qui se tenaient dans les grandes villes, trop lointaines. Il nous a expliqué que les minorités ont la vie dure en Thaïlande, car ils avaient peu de moyens et peu d’aide de l’Etat. Il y a une dizaine d’années, de nombreux touristes venaient dans leur village car ils portaient leur habit traditionnel, mais dès qu’ils sont passés à la mode occidentale, plus grand monde n’est venu. Ils trouvaient cela dommage mais n’avaient pas l’air d’envisager de revêtir l’habit traditionnel juste pour attirer les touristes, comme cela se faisait ailleurs. D’ailleurs, ils ne voyaient pas le problème concernant les habitants qui avaient choisi cette voie. Aussi, nous leur avons demandé ce qu’ils pensaient de tous les occidentaux qui s’installaient en Thaïlande pour y travailler. Cela ne les dérangeait pas, il y avait de la place pour tout le monde et c’était bon pour le développement du pays. Un peu dans le même genre, ils ne voyaient pas d’un mauvais œil tous les couples mixtes où l’homme occidental était en couple avec une thaïlandaise souvent bien plus jeune car là encore, c’était positif pour la thaïlandaise qui y gagnait notamment un meilleur confort de vie. Finalement, nous nous rendions compte que tout était bon pour se développer et que nos gênes d’européens n’avaient ici pas leur place.
Nous nous sentons déjà comblés par cette rencontre quand un membre de la famille nous a annoncé que le lendemain (dimanche), ils allaient tuer un cochon en l’honneur des sœurs venues les visiter et du nôtre. Après l’épisode manqué au Kirghizistan, nous étions très contents de la tournure que prenaient les événements. Quand nous leur avons avoué que nous n’avions jamais assisté à cela, ils ont été surpris et nous ont dit de nous réveiller à 6h du matin. Sur ce, le neveu est parti au village recruter des gens pour le lendemain.
Finalement, le temps de s’y mettre et que les gens venus pour le cochons soient là, il était 7h quand le moment fatidique est arrivé. Nous ne voulions pas en louper une miette afin de montrer à nos hôtes que nous n’étions pas dégoûtés mais plutôt curieux. Et puis d’un point de vue personnel, nous nous sommes toujours dit que puisque nous n’étions pas végétariens, nous devions assumer et être capable au minimum d’assister à ça. C’était donc notre premier cochon…
Le petit moment de flottement où les hommes hésitaient sur le choix du cochon parmi trois était plutôt comique. Ensuite, le neveu s’est ravisé et a passé l’arme à un autre homme qui avait l’air plus expérimenté. En moins de 3h montre en main, le cochon avait poussé son dernier grognement, été découpé et en parti mangé. Pour les défenseurs de la souffrance animale, sachez qu’en 10 secondes top chrono, c’était réglé. Nous qui nous étions préparés à ce moment depuis la veille, c’était très propre et très rapide, nous avons été surpris.
« Dans le cochon, tout est bon ! » Tout en cuisinant, nos hôtes ont commencé à faire cuire le cochon morceau par morceau. Après s’être vu proposer de gouter à de la peau cuite, nous avons compris qu’il ne fallait pas trop poser de questions sur les différentes parties du cochon, sinon ils nous en proposeraient à manger. Et pourtant, les sœurs parlant anglais nous apportaient des morceaux de temps en temps, que nous mangions sans nous poser de questions, malgré la texture parfois étrange… Elles avaient l’air contentes de nous apprendre pleins de choses sur ce qu’elles mangeaient, c’est-à-dire quantité de fruits, de légumes et de végétaux cueillis dans les environs le matin même. Et nous, nous étions contents de découvrir tant de choses et de participer à la préparation de leur réunion de famille. Nous étions nombreux et tout le monde s’affairait : les hommes à la découpe du cochon, les femmes à sa cuisson et à la préparation des légumes et des mélanges pour l’accompagnement. Nous n’avons pas dérogé à leurs habitudes. Côte découpe, Vincent s’est vu proposé le fameux whisky Lisu découvert la veille, il était seulement 8h du matin…
Dans la matinée, les femmes nous ont proposé de nous faire essayer les vêtements traditionnels, habits que les personnes présentes allaient petit à petit revêtir, à l’approche du repas.
Finalement, à 11h, des petits groupes se sont formés autour de petites tables basses et nous avons déjeuné. Contrairement à nos habitudes en France, le déjeuner en lui-même a duré très peu de temps et à 12h, presque tout le monde était reparti et les femmes de la maison se sont remises à faire cuire les morceaux de viande restants pour les conserver. Sur ce, nous avons décidé de poursuivre notre route, ravis de cette expérience.
Mae Salong et ses villages ethniques
Nous nous sommes ensuite arrêtés à Mae Salong. En fait, l’intérêt du nord de la Thaïlande était de rencontrer des tribus montagnardes vivant dans des villages isolés. C’est du moins ce que proposaient toutes les agences de voyages du coin, via une randonnée d’un ou plusieurs jours.
Dans cette logique, nous avions repéré des villages à visiter autour de Mae Salong. Puisque nous avions la voiture, nous avons exclu les villages non accessibles par la route. Nous avons laissé la voiture à l’entrée du premier village choisi, afin de mieux profiter de celui-ci et de ne pas trop attirer les regards. Même si les habitats étaient parfois très modestes, ça se voyait que ces gens étaient habitués aux touristes et à la société moderne. Ils étaient habillés de manière occidentalisée mais on voyait leurs habits traditionnels sécher près des maisons, peut-être même qu’ils travaillaient sur le marché artisanal de Mae Salong, où tous les vendeurs portaient l’habit traditionnel de leur tribut. A vrai dire, nous nous sommes sentis gênés de nous balader ici, car, plutôt indifférents à notre présence, chacun vaquait à ses occupations et nous n’avions pas vraiment de prétexte pour les aborder. Nous n’avions pas prévu d’y passer la nuit, comme la dernière fois. A part quelques échanges avec un papi au bord de la route, nous nous sentions de trop. C’est là que nous nous sommes rendu compte de la consommation touristique où nous amenait notre guide de voyage, entre autres. Il était écrit qu’il y avait des petits villages à visiter où vivaient des minorités ethniques. Fort de notre expérience chanceuse avec les Lisu, nous y avons été sans réfléchir. Mais ce genre de visite n’est pas anodin et ce n’est pas facile d’y trouver sa place en tant que touriste, sans se sentir voyeuriste… ! A moins d’être attendu, introduit, ou de forcer la rencontre, il faut trouver un bon prétexte pour aborder des personnes qui sont habituées à voir des touristes se balader. Ou bien il faut se rendre dans des villages vraiment isolés où les gens seront davantage curieux de la venue d’étrangers. Et nous ne venions pas uniquement pour prendre des photographies et ne rien apprendre de ce qui se trouvait sous nos yeux. Nous sommes donc retournés à la voiture plutôt mal à l’aise et avons passé les suivants.
Les projets agricoles royaux sur les hauteurs
Cette boucle nous aura permis d’en apprendre beaucoup sur la famille royale puisque de nombreux projets d’agriculture ont été menés dans cette région, près des monts Doi Ang Khang et Doi Tung.
En effet, la culture, la transformation et le violent commerce d’opium ont fait rage dans cette partie de la Thaïlande, où nombre de thaïlandais issus des tribus montagnardes étaient en plus accro à cette drogue. La princesse mère notamment a initié la culture de nombreux fruits et légumes ainsi que de plantes diverses et variées pour remplacer peu à peu l’opium, afin que les habitants aient un moyen moins destructeur de gagner leur vie.
Nous avons ainsi visité de nombreux jardins et pépinières en plus de musées sur le commerce de l’opium dans le Triangle d’Or. C’était amusant car ces parcs contenaient une flore paraissant exotique aux yeux des asiatiques, grâce au climat et à l’altitude de la région. Mais pour nous, nous retrouvions nos camélias, nos rhododendrons, nos roses, nos œillets d’inde… !
Un passage technique en Birmanie
Voilà presque un mois que nous sommes en Thaïlande et nos 30 jours d’exemption de visa touchaient à leur fin. Puisque nous avions prévu d’aller méditer une semaine dans l’ouest, nous avions soit l’option de prolonger notre séjour de 30 jours dans n’importe quelle grande ville du pays pour la coquette somme de 50 euros, soit l’option de sortir puis entrer de nouveau en Thaïlande pour obtenir une nouvelle exemption de visa de 30 jours. Puisque l’itinéraire de notre boucle fleurtait avec la frontière birmane, nous en avons profité.
Même si la frontière birmano-thaï reste accessible, elle est bordée de check-point et est protégée à cause de tensions historiques qui persistent
Cette pratique (appelée visa run) n’étant pas rare pour les voyageurs, la Birmanie a bien compris son intérêt : les gardes-frontières birmans vous soulagent en effet de 10 dollars et vous pouvez entrer dans le pays pour une journée. En pratique vous ne restez en Birmanie que quelques minutes voire le temps d’un café, avant de faire le chemin inverse pour un retour en Thaïlande.
A peine la frontière retour passée, le hasard nous a fait croiser une jeune femme « girafe » qui portait un foulard pour cacher ses anneaux. Nos regards se sont croisés, elle nous a souris et a remis délicatement son foulard en place. Cette rencontre fortuite nous a confortés dans l’idée qu’il n’était pas nécessaire de trop forcer les rencontres. Elles pouvaient se faire simplement et avaient encore plus de saveur.
Direction ensuite le fameux point où la Thaïlande, le Laos et la Birmanie se rencontraient, séparés par le Mékong. Désigné par les guides touristiques comme étant le « Triangle d’Or », il s’agit en pratique d’avantage d’un point d’observation de cette curiosité géographique. Le fameux triangle d’or couvrait en fait une région bien plus vaste, tristement connue pour son meurtrier commerce d’opium d’autrefois.
Chiang Rai et ses temples colorés
La dernière étape de notre boucle était Chiang Rai, où nous avons fait un arrêt éclair, le temps de visiter ses deux temples célèbres (et d’un autre massage thaïlandais). Nous nous sommes tout d'abord rendus à son temple bleu, aux sculptures très travaillées.
Nous avons ensuite été faire un tour au récent mais fameux temple blanc, œuvre artistique extravagante d’un architecte thaïlandais. Pour ce dernier, l’appellation « temple » semble vraiment peu appropriée puisque à part une statue de Bouddha, tout le reste n’a rien à voir avec le bouddhisme : à l'intérieur, on trouve des personnages de films d’animation, de science-fiction et autres comme Pikachu ou Dark Vador. Ce n’est d’ailleurs pas pour le Bouddha qu’on vient le voir…
Temple bleu, temple blanc : quelle sera la couleur du prochain ? Tout de même, les temples de Thaïlande semblent bien se porter, grâce aux donations des fidèles… Ils nous ont apparu comme nombreux, très bien rénovés et ce n’était pas rare d’en voir en construction !
Le retour à Chiang Mai
Nous retournons ensuite à Chiang Mai où notre boucle en voiture s’achève. Globalement, la route était sympathique, mais les paysages et points de vue n’étaient pas transcendants. C’était le risque, nous qui voulions éviter la boucle de Mae Hong Son aussi car elle risquait d’être bien fréquentée, peut-être à raison, cette fois. Cependant, nous avons appris plus tard (et nous l’avons constaté une fois là-bas) qu’à cette période de l’année dans la région de la boucle de l’ouest, des parcelles de forêt étaient brûlées pour faire de la place pour des nouveaux champs (de caoutchoutiers, de palmiers à huile, …) et des champs déjà existants étaient nettoyés par la méthode du brûlis. Tout cela dégageait beaucoup de fumée et effaçait le paysage, mais ce n’était pas le cas ici.
Nous avons envisagé quelques jours de repos à Mae Hong Son avant notre expérience de méditation.