La Chine : voyage dans l'Empire du Milieu (sécuritaire) (3/3)

 

Du 18 novembre au 13 décembre

Le Tibet

Comme vous le savez, nous avons passé une semaine en voyage organisé au Tibet via une agence chinoise (elles le sont toutes) mais avec un guide et un chauffeur tibétains.

Nous sommes tout d’abord restés deux journées à Lhassa où nous avons visité les monastères de Drepung et de Sera, le Palais du Potala (ancienne résidence des dalaï-lamas successifs), le temple de Jokhang et la vieille ville.

Le palais du Potala
Le palais du Potala

Nous avons assisté au débat des moines au monastère de Sera à Lhassa. Tous les après midi, dans une cour adjacente, les élèves moines s'exercent au débat philosophique pour tester leur maîtrise des textes et leur vivacité d'esprit. Les élèves assis sont appelés protagonistes et ceux qui sont debout, antagonistes. Ces débats ont lieu dans tous les monastères où il y a une école. 

Le guide nous a permis de beaucoup apprendre sur le bouddhisme et ses icônes ainsi que sur les croyances et les pratiques des fidèles.

 

Par exemple, nous avons découvert les rites funéraires traditionnels tibétains dans les sky burial (en français, funérailles dans le ciel). Ainsi, lorsqu’un tibétain meurt, après une veille de plusieurs jours, le corps est acheminé vers le sky burial choisi par le défunt et est offert à manger aux vautours, sous les prières des moines et parfois sous les yeux des proches. Cela peut nous paraître barbare ou du moins étonnant, mais pour les tibétains qui croient en la réincarnation, seule l’âme compte. Ainsi, permettre à d’autres êtres de prospérer en faisant don du corps est un acte qui aide l’âme du défunt à trouver sa voie vers le ciel, où elle pourra être ensuite réincarnée, en humain si elle a de la chance (et si lors de sa vie elle a cherché à suivre les valeurs du bouddhisme). Histoire de donner quelques détails, le corps n’est pas laissé tel quel aux oiseaux mais est « préparé » c’est-à-dire coupé en morceaux pour faciliter son ingestion par les vautours. Cela fait tout de même froid dans le dos ! Il s’agit bien d’une pratique encore en cours, d’ailleurs notre guide avait déjà choisi son endroit. Il existe d’autres manières d’offrir le corps du défunt à la nature, les plus courageux iront se renseigner...

 

 

De plus, devant les prosternations répétitives des croyants du temple de Jokhang, le guide nous a appris qu’un pèlerinage dans les règles s’effectuait toute la journée, un mois durant, et ce tous les ans, au moment de l’année où il ne fait pas trop chaud et où les pèlerins ont le moins de travail. Cela en fait des prosternations et des circumambulations !

Après avoir visité Lhassa, nous avons cheminé vers la frontière sino-népalaise en trois jours. Sur la route, en plus des paysages qui défilaient, nous nous sommes arrêtés à plusieurs lieux d’intérêt. 

A ce moment du voyage, les comparaisons allaient bon train entre notre séjour en liberté parmi les tibétains du Gansu et du Qinghai et celui que nous étions en train de passer au Tibet autonome. A vrai dire, la balance a rapidement penché en faveur du Tibet non contrôlé… Les monastères que nous avons visités pendant notre voyage organisé nous ont semblés désertés, sans vie religieuse, comme des musées. En effet, les seuls moines que nous avons vus gardaient simplement les lieux et surveillaient les visiteurs. Et encore, parfois, ce n’était pas des moines mais des personnes en civil au faciès chinois. Et plusieurs fois, avant de pénétrer dans des temples, nous avons cru que nous allions assister à des prières de moines mais une fois entrés, nous nous sommes rendu compte que ce que nous entendions provenait d’un enregistrement sonore. Quant au débat des moines auquel nous avons assisté, le guide nous a avoué qu’il se tenait pour les touristes et que les moines jouaient en quelque sorte un rôle, car il était impossible pour eux de vraiment se concentrer sur le fond en présence d’autant d’observateurs autour d’eux. Plus généralement, hors du Tibet officiel, nous avons croisé très peu de touristes chinois et aucun touriste occidental, nous avions donc un statut privilégié : à nous les accueils chaleureux, les sourires et les rencontres. Enfin, bien sûr, ce n’était pas vraiment une surprise, mais le principe même de voyage organisé n’était pas fait pour nous.

Une femme tibétaine avec une incisive en or. A l'origine pour se prémunir d'un empoisonnement.
Une femme tibétaine avec une incisive en or. A l'origine pour se prémunir d'un empoisonnement.

Importants dons (biscuits, riz, fruits, argent...) de pèlerins bouddhistes à l'occasion d'une fête religieuse au monastère de Tashilunpo à Shigatsé

Cependant, cette formule nous aura permis d’en apprendre un peu plus sur le contrôle de Pékin sur le Tibet grâce à notre guide. En effet, parmi les consignes au début du voyage (outre celle de ne pas prendre en photos les dispositifs de sécurité car cela nous créerait des problèmes), il nous avait indiqué que nous pouvions lui poser toutes nos questions mais pas devant les caméras si elles étaient politiques. Dans le minibus, nous en avons donc profité. Il y avait bien une caméra mais le guide n’a pas hésité à nous répondre. Nous avons appris plus tard que la caméra était bien reliée à la police mais qu’ils n’avaient que l’image et le guide avait bien pris soin de se retourner vers nous pour parler. Il nous a décrit quelques éléments de la situation de domination de Pékin. Par exemple, le drapeau tibétain était interdit et bien sûr tout portrait du dalaï-lama. D’ailleurs, nous avons vu le drapeau chinois sur chaque maison tibétaine. Dans le cas contraire, le chef de famille encourrait d’importants ennuis, ainsi que sa famille, notamment ses enfants qui n’étaient plus acceptés à l’école. En cas de problème politique, aucun tibétain n’a de soutien de la part de ses congénères. Il nous a expliqué que toutes les compagnies de voyage au Tibet étaient chinoises, et qu’en tant que guide tibétain, il était employé uniquement car c’est ce dont les occidentaux voulaient pour voyager. Par ailleurs, les agences ne pouvaient emmener leurs touristes que dans des institutions approuvées par l’Etat. Les monastères étaient désormais contrôlés par des hommes d’affaires chinois, c’est pourquoi tout était devenu payant. Bref, le Tibet spirituel dont beaucoup rêvent était malheureusement devenu un fantasme, où du moins selon la formule où le voyageur d'aujourd'hui est contraint de le découvrir.

Sur la route, une maison tibétaine arborant le drapeau chinois
Sur la route, une maison tibétaine arborant le drapeau chinois

Avant d’arriver à la frontière népalaise, il était prévu que nous atteignions le nouveau camp de base de l’Everest à 5100 mètres d’altitude pour le coucher de soleil et que nous passions la nuit à côté, dans un refuge au confort très rudimentaire (sans chauffage notamment). En effet, le camp de base originel avait été ré-avancé de quelques kilomètres afin de préserver les lieux. Le lendemain matin, nous devions randonner jusqu’au vrai camp de base (l’ancien) pour admirer le lever de soleil sur le mont Everest. C’était pour nous le point culminant de notre séjour, tant par l’altitude que par notre émotion : nous avions hâte d’y être ! 

Vue depuis le col Kyawula (5180m) sur la chaîne himalayenne et notamment le Mont Everest à 8844,43m (les 8848m sont visibles côté népalais)
Vue depuis le col Kyawula (5180m) sur la chaîne himalayenne et notamment le Mont Everest à 8844,43m (les 8848m sont visibles côté népalais)

A vrai dire, nous avons été très déçus par cet épisode...

 

 

Nous sommes bien arrivés à temps pour le coucher de soleil, mais l’endroit était plutôt décevant. Nous avons été surpris d’être débarqués directement sur les lieux, c’est-à-dire que le nouveau camp de base était accessible par une route goudronnée en fond de vallée, et était simplement symbolisé par une stèle, à côté de la route. De plus, à cause de la saison, il n'y avait à proprement parlé aucune tente sur le camp de base...

Vue sur le Mont Everest depuis le camp de base de l'Everest à 5200m
Vue sur le Mont Everest depuis le camp de base de l'Everest à 5200m
Zoom sur l'Everest au soleil couchant
Zoom sur l'Everest au soleil couchant

Une fois arrivés dans le refuge, le guide est venu nous parler de la journée du lendemain. Et c’est là que nous avons été très déçus. En fait, il n’était nullement question de randonner jusqu’à l’ancien camp de base ! Il fallait un permis spécifique et sans, nous risquions deux cents dollars d’amende ! Nous pouvions en fait randonner du refuge au nouveau camp de base, où nous étions déjà allés, c’est-à-dire via la route goudronnée ! Et puis le mieux était de regarder le lever de soleil sur l’Everest directement sur la colline à côté du refuge car le départ était fixé à 9h et le soleil serait tout juste en train de se lever à cette heure. Le guide nous a expliqué que c’était mieux si nous arrivions tôt à la frontière, afin de pouvoir faire des démarches administratives avant que les bureaux ferment et ainsi prendre de l’avance sur la journée du lendemain qui allait être longue. Après cet épisode, la coupe était pleine, nous avions hâte d’arriver à la frontière et de passer à autre chose.

Mais il y avait encore la nuit à 5100 mètres d’altitude à passer… ! Eh oui, la nuit précédente, nous étions à Shigatse à 3800 mètres d’altitude, nous avions donc gagné 1300 mètres en une journée. Le guide nous avait prévenus que la nuit risquait d’être mauvaise et nous avions à disposition de petites bombes d’oxygène au cas où nous nous sentirions vraiment mal. Pour Vincent, à part des réveils répétés pour boire car sa gorge asséchée le gênait, tout s’est bien déroulé (en altitude, l’air est très sec). Pour Mélanie, cela a été plus compliqué… Déjà, lors de la journée, elle s’était sentie globalement barbouillée et très facilement essoufflée, sans force. Rien que pour faire le lit le soir, cela lui avait demandé beaucoup d’effort et lui tirait sur le cœur. Et puis plus tard, dès qu’elle commençait à s’endormir, elle se réveillait brusquement pour reprendre de l’air car elle avait l’impression d’arrêter de respirer en s’endormant. Enfin, en pleine nuit, Mélanie a été brusquement malade. Bref, la nuit a été mouvementée. Impossible de savoir ce qui était dû ou non à l’altitude. Au petit matin, Vincent s’est levé pour assister à une partie du lever du soleil sur l’Everest depuis la colline.

Après une dernière journée de route vers la récente frontière sino-népalaise et une dernière nuit là-bas, nous avons quitté le territoire chinois tôt le matin.

Des camions népalais très colorés attendent l'ouverture de la frontière
Des camions népalais très colorés attendent l'ouverture de la frontière

Suite à toutes les contraintes que nous avions ressenties depuis le Xinjiang jusqu’au Tibet, c’est peu dire que nous étions contents de sortir de Chine : en fait nous nous sentions carrément soulagés ! A ce moment, nous n’étions plus sûrs de vouloir y retourner comme prévu quelques mois plus tard pour visiter la partie est… Pour l’heure, la Chine et Namasté le Népal !