Le 17 novembre 2017
Partis le 16 novembre de Och, nous avons passé la nuit à Irkeshtam, acollé au premier poste de frontière kirghize. Ce "village" est composé de baraquements offrant le nécessaire aux camionneurs attendant de passer la frontière et heureusement pour nous, d'une auberge en dur.
Vendredi 17 novembre :
8h00 : c’est par -7 degrés que nous attendons depuis un quart d’heure devant la grille encore fermée du poste de contrôle Kirghize d’Irkeshtam.
8h01 : la barrière s’ouvre, c’est parti pour une journée qui s’annonce longue. Nous sommes les seuls à pied. Dernière nous, des camions en file indienne sur plusieurs centaines de mètres. La sortie du territoire Kirghize n’est qu’une simple formalité. Un coup de tampon et nous voilà partis. Aucune fouille des bagages.
8h22 : une fois hors du bâtiment du poste de contrôle, un policier Kirghize nous faire comprendre qu’il va arrêter un camion pour que nous montions avec lui, afin de parcourir les 4 kilomètres qui nous séparent de la frontière officielle où se trouvent un deuxième poste de contrôle kirghize et le premier poste de contrôle chinois.
Pas de contrôle du côté Kirghize. Côté Chinois, il nous faut ensuite attendre de longues minutes car ça n’ouvre qu’à 9h (heure Kirghize). Heureusement, nous sommes au chaud dans le camion.
8h57 (10h57 heure de Pékin) : le poste-frontière Chinois ouvre. Nous descendons du camion présenter nos passeports. Nos identités sont notées dans un grand cahier. Retour dans le camion pour les quelques kilomètres qui nous séparent du poste de douane de Simuhana.
11h04 (désormais, nous ferons toujours référence à l’heure de Pékin) : nous arrivons dans un grand terminal, totalement vide de voyageurs. Quelques agents Chinois gèrent les opérations. Le sac de Mélanie est fouillé avec grande minutie pendant de longues minutes par un jeune contrôleur : le contenu de la crème solaire et de l’anti-moustiques est analysé, le matériel électronique est déballé et on nous fait allumer la tablette. A peine démarrée, on nous dit de l’éteindre ! La fouille du sac de Vincent, réalisée par un autre agent, ne prend que quelques minutes. Ayant lu que la police pouvait fouiller le contenu des ordinateurs et téléphones, nous avions pris soin d’effacer toute donnée suspecte, nos historiques de recherches sur internet et nous avions laissé à Bichkek le livre que nous avions amené sur le peuple Tibétain. On nous a pris nos passeports, nous ne les reverrons que bien plus tard.
11h17 : une fois la fouille passée, on nous fait attendre dans une salle. Dans un premier temps seuls, nous sommes peu à peu rejoints par d’autres personnes qui passent la frontière à pied. La suite des opérations est connue : une fois assez nombreux, il nous faut prendre un taxi officiel, chargé de nous amener (escorter) jusqu’à la frontière réelle, 140 kilomètres plus loin. C’est là que nos passeports doivent nous être rendus et que nous devons obtenir le tampon d’entrée. En attendant, c’est le chauffeur du taxi qui sera en possession de nos documents d’identité.
C’est peu dire que l’idée de prendre le taxi après tout le chemin parcouru en stop ne nous enchante guère. Par ailleurs, dans l’idée, il nous semblerait normal que le transport soit gratuit, dès lors que le gouvernement chinois ne laisse pas d’autre option pour passer ce no mans land. L’esprit taquin et enjoué, nous demandons benoîtement au policier Chinois si le taxi est gratuit. Il rit et enchaîne « It is not my business ». Vincent, cherchant un peu la petite bête, demande pourquoi il n’est pas possible de passer en stop. Nous obtenons la réponse fumeuse suivante : il y a quelques années, une touriste japonaise aurait réalisé le trajet avec un chauffeur de camion Chinois. Ils ont eu un grave accident. Suite à cela, la Chine aurait eu des soucis avec l’ambassade du Japon. D’où l’interdiction…
Notre policier chinois finit son explication sur un ton très martial « SORRY, IT’S CHINA IRKESHTAM BORDER REGLEMENT ». Un point c’est tout. C’est à partir de ce moment que nous avons réalisé qu’il ne fallait pas trop faire les malins avec les policiers chinois et qu’ils ne semblaient pas vraiment habitués à ce qu’on leur pose des questions.
Quelques minutes plus tard, un autre policier vient et nous dit toujours d’un ton sec « EVERYBODY MUST PAY ». Nous voilà prévenus, il va nous falloir refréner notre penchant interrogatif…
Les minutes passent et nous sommes maintenant une petite dizaine à attendre dans la salle, dont deux chauffeurs de taxi. Le premier policier revient et indique qu’un taxi peut partir. Alors que nous sommes arrivés les premiers, il fait signe à 4 autres personnes de rejoindre le taxi. Il nous faudra attendre le suivant. Sommes-nous « punis » d’avoir posé trop de questions ? Nous ne le saurons jamais.
13h00 : après encore une heure d’attente, le premier taxi part enfin. Nous sommes 3 à attendre l’arrivée d’un 4ème passager pour enfin partir à notre tour.
13h15 : cela fait maintenant 2h que nous sommes arrivés. Entre temps, nous avons eu le temps d’observer que les gardes-frontière n’étaient pas submergés de travail, c’est le moins qu’on puisse dire. Le hall pour les piétons est quasi vide. Côté véhicules, 3 gardes sont chargés de contrôler les camions à la sortie. Le manège est le suivant : le camion sort de la zone de contrôle, les 3 gardes se lèvent de leur banc (sortant de leur sieste). L’un porte un bouclier, l’autre une barre de fer et le troisième une cale pour bloquer une roue. Ce dernier contrôle dure quelques secondes après quoi les gardes retournent s’asseoir…
Enfin, une 4ème personne vient d’arriver ! Nous nous levons, mettons nos sacs sur le dos, prêts à décoller. Mais on nous dit qu’il faut aller manger et revenir à 16h, heure de Pékin. C’est la pause déjeuner ! Quelle blague ! Pour rappel, le poste frontière n’est ouvert que depuis 2h15. Nous parcourons avec la voiture de notre futur taxi les 500 mètres qui nous séparent du resto improvisé. A peine sommes-nous arrivés qu’on nous indique qu’il faut repartir. Retour donc au poste frontière avec l’eau à la bouche d’avoir senti les bonnes odeurs du déjeuner mais à la fois ravis à l’idée d’enfin partir de cet endroit.
Fausse alerte, on ne sait pas pourquoi, mais nous retournons au restaurant, cette fois à pied. Nous comprendrons plus tard que le contrôle des bagages du 4ème passager ne pouvait pas être effectué avant la pause car il transportait trop de choses.
Dans ce petit « restaurant », des gens arrivent au fur et à mesure. Ils se mettent à table et commencent à discuter entre eux comme s’ils se connaissaient de longue date. Un client va jusqu’à aller goûter directement la nourriture dans la marmite encore sur le feu…
Nous discutons avec un Tadjik de retour du Xinjiang en Chine (notre prochaine étape). Il nous décrit le contexte sécuritaire tendu qui y règne : nous en parlerons dans un prochain article. Il parle un peu anglais et nous paie le repas.
16h00 : les gardes sortent en file indienne de leur réfectoire. Le contrôle des bagages de la femme arrivée en dernier, sans doute une commerçante chinoise avec une multitude de sacs pleins à craquer, prend du temps.
16h37 : nous partons enfin. Cette traversée nous met tout de suite dans le bain : il y a des caméras partout sur la route. Les quelques bourgades que nous traversons semblent être des villages militaires. Les barbelés sont omniprésents. Bienvenue en Chine !
18h00 : contrôle de police. Il faut sortir de la voiture, présenter ses papiers dont on fait une copie, et passer son sac dans un scanner.
18h35 : Après 2h30 de trajet, nous arrivons enfin au poste d’immigration à Uluggat, pas fâchés de descendre du taxi. C’est le deuxième poste-frontière chinois.
Le grand hall est quasiment désert. Nous retrouvons deux des voyageurs ayant pris le premier taxi. L’un d’entre eux a l’air mal-en-point. Les agents ne font absolument rien et pourtant nous attendront près d’une demi-heure pour que le contrôle commence. Entre temps, on nous prend la température, histoire de vérifier que nous ne sommes pas malades. Autant dire que l’homme du premier taxi, lui, ne passe pas le contrôle, il est installé dans une autre salle, avec des policiers.
19h00 : nous débutons enfin le contrôle. Nous ne sommes que 4 passagers dans ce grand hall. Moment un peu stressant car nous ne savons pas quel niveau d’infos les agents chinois ont sur notre itinéraire (celui déclaré pour obtenir le visa, à savoir avec l’arrivée par avion Paris-Pékin et omettant le Tibet). Nous avions préparé des réponses aux éventuelles interrogations concernant notre changement d’itinéraire. Il n’était bien entendu pas prévu de dire que nous comptions aller au Tibet. Premier guichet, nos passeports sont vérifiés avec attention pendant qu’un autre agent nous pose quelques questions : « première fois en Chine ? Chez qui vous rendez-vous ? Quel est votre itinéraire ? » Tout se passe finalement sans difficulté et 20 petites minutes plus tard, nous sommes côté chinois, passeport tamponné en main.
19h43 : après avoir marché plusieurs kilomètres pour rien, la nuit est déjà bien tombée quand nous nous mettons en quête d’un chauffeur pour rallier Kashgar. Nous nous plaçons à côté d’un poste de police, juste avant l’embranchement de l’autoroute. A peine arrivés, un agent chinois nous fait signe avec sa lampe torche de venir le voir. Après vérification des passeports, nous l’informons que nous faisons du stop. Il nous faut lui expliquer le concept car il ne semble pas comprendre. Après de très longues minutes, il comprend enfin et propose de nous trouver un chauffeur.
22h32 : nous arrivons ENFIN à Kashgar. Il nous aura fallu 12h30 pour passer la frontière entre le Kirghizstan et la Chine et parcourir 220 km. Nous nous en souviendrons !
Notre défi Angers-Kashgar en stop est atteint (vous serez indulgents sur les 140 km fais en taxi, nous avons fait ce que nous avons pu pour les éviter…) !