Le Kazakhstan : un premier pied en Asie (2/2)

 

Du 1er au 7 novembre 2017

Après Astana, direction Almaty.

Quand nous sommes arrivés à Almaty, adieu gants, bonnet et doudoune : nous avions gagné 20°C ! Nous étions en t-shirt alors que les habitants portaient leurs manteaux d’hiver… 

L’arrivée dans la ville a été un peu délicate. En effet, nous n’avions plus d’argent liquide ou presque, plus de batterie sur le téléphone pour se repérer ou traduire quelque chose à quelqu’un, pas encore d’adresse d’hôtel ou d’auberge de jeunesse alors qu’il était déjà vingt-et-une heure et à priori nous n’étions pas dans le centre-ville. De plus, Vincent avait souffert lors du dernier trajet car le conducteur conduisait comme une brute son camion de chantier, peu importe les nids de poules ou autres surprises sur la route, et Vincent, assis sur la couchette, ne pouvait se tenir assis normalement car le plafond était bas, ni s’allonger bien sûr et dès qu’il s’adossait un peu, recroquevillé, il se faisait cogner contre la paroi dure à cause des fréquentes et fortes secousses du camion. Bref, nous aurions pu mieux gérer notre arrivée. 

Ayant préalablement demandé la direction du centre-ville à un passant, nous avons commencé par attendre un éventuel bus à un arrêt à proximité. Bien sûr, à part le dessin du bus sur le panneau, il n’y avait aucune information. Après plusieurs minutes d’attente, et alors que nous avions vu défiler cinq ou six bus en sens inverse, nous avons fini par apostropher un adolescent qui arrivait vers nous. Nous avons compris qu’à cette heure il n’y avait plus de bus et qu’il fallait prendre un taxi. Nous lui avons demandé où trouver un distributeur à proximité. Evidemment, il fallait aller dans le centre. Nous l’avons remercié et lui avons mimé que nous allions faire du stop mais il nous a fait comprendre que ça n’allait pas fonctionner, qu’on allait nous demander de payer le trajet à coup sûr. N’ayant presque plus d’argent, nous lui avons demandé combien coûtait environ le taxi. Bon, nous avions assez. Alors que nous nous mettions en place pour interpeler un véhicule, l’adolescent, qui avait repris son chemin, a fait demi-tour et nous a tendu de l’argent pour le taxi. Il a dû avoir pitié de nous ! Bien sûr, nous n’avons pas accepté et nous lui avons montré que nous avions ce qu’il fallait. Nous avions à peine tendu le bras qu’une voiture s’est arrêtée. Il n’y avait pas d’indication signalant qu’il s’agissait d’un taxi. Nous ne nous étions pas encore penchés pour convenir d’un lieu de dépose et du montant de la course, qu’une deuxième voiture s’était arrêtée derrière la première, avec les warnings. La première voiture nous proposait trois fois le montant indiqué plus tôt par le jeune kazakh ! Nous lui avons ri au nez et elle est partie, laissant place à la deuxième, alors qu’une troisième se mettait dans la file ! Cette fois, d’emblée, nous avons écrit le montant que nous proposions. Le chauffeur a négocié légèrement à la hausse et c’était parti. Il nous a déposés près d’un grand centre commercial où se trouvait tout ce qu’il fallait pour améliorer notre situation et trouver un toit pour la nuit. Nous avons appris plus tard qu’Almaty était réputée pour avoir une quantité phénoménale de personnes qui jouaient au taxi en plus de leur travail ou qui faisaient du covoiturage improvisé. C’était très pratique et très bon marché. Il faut dire qu’à moins de cinquante centimes d’euro le litre d’essence… 

C’est à Almaty que nous avons eu notre première expérience de Couchsurfing avec Dias, 23 ans, travaillant pour une entreprise de jeux vidéo. Le principe du couchsurfing est d’accueillir gratuitement un voyageur sur son canapé pour une ou quelques nuits, parfois pour lui rendre service mais surtout pour favoriser un échange culturel. Et la prochaine fois, ce sera peut-être l’hôte qui se fera héberger ailleurs dans le monde. Après quelques heures de discussion, nous en avions beaucoup appris sur les kazakhs ! Sa vision était plutôt pessimiste. Selon lui, les kazakhs sont paresseux et se contentent de ce qu’ils ont. C’est même un compliment qu’on leur fait quand on leur fait remarquer. Ils favorisent la réflexion et non l’action. Pour eux, la valeur familiale est largement au-dessus de la valeur du travail. Ils ne cherchent pas à se développer, ils ont souvent leur propre affaire qui peut ne pas fonctionner, tant pis, la roue tournera. Ils sont très tournés vers la vie de famille, les relations. Ils se marient jeunes et dépensent des sommes faramineuses pour leurs noces : il n’est pas rare que des invités ne connaissent pas les mariés. Ensuite, ils ont leurs enfants. Et bien sûr, ils deviennent grands-parents plutôt jeunes (par rapport à nous). Nous avions remarqué cela en autostop. Première question de nos conducteurs : êtes-vous mariés ? Deuxième question : avez-vous des enfants ? Ils nous interrogeaient rarement sur nos professions. Au début, nous leur disions la vérité à savoir que nous étions en couple depuis 8 ans, que nous nous marierions peut-être plus tard et que nous voulions des enfants mais que nous voulions voyager d’abord. A la fin, parfois, nous faisions plus simple : oui nous étions mariés, depuis 8 ans (quand on nous posait la question) et nous aurons des enfants au retour du voyage. Aurions-nous cédé à une sorte de pression sociale ? En fait, c’était surtout plus simple quand la communication, elle, ne l’était pas ! 

Vincent en train de manger le traditionnel plov et boire du lait de chamelle (légèrement alcoolisé et très acide !)
Vincent en train de manger le traditionnel plov et boire du lait de chamelle (légèrement alcoolisé et très acide !)

Au niveau politique, Dias nous a également expliqué que les kazakhs s’en remettaient volontiers au président pour gérer le pays, qu’il n’existait pas vraiment d’opposition politique et que les gens préféraient une stabilité même si ce n’était pas parfait. En autostop, quand nous demandions les tendances politiques à venir après l’actuel président (au vu de son âge), on nous répondait que ça allait être pareil, un Nazerbayev bis, et d’ailleurs ils ne paraissaient pas franchement intéressés par ce sujet car la conversation s’arrêtait là. Nous avons traversé le Kazakhstan sans jamais voir un de nos chauffeurs écouter les informations ou une autre émission à la radio, nous avions de la musique ou le bruit de moteur comme accompagnement. Etait-ce par désintérêt ou parce que ce genre d’émission n’est sont pas le bienvenu sur les ondes ? Certains chauffeurs avaient un avis mitigé sur le président, « fifty-fifty » comme ils disaient et le mot corruption venait ensuite... Au cours d’un diner traditionnel où nous avons goutté le plov (plat à base de riz, de carottes, d’oignons et de viande de cheval…) et bu du lait fermenté de chamelle, Dias nous a expliqué qu’il se qualifiait de kazakh moderne. En effet, il ne cherchait pas forcément à se marier, et son travail prenait une place importante à ses yeux et dans son quotidien. Il voulait évoluer au niveau de sa carrière et ne pouvait le faire dans son pays car il travaillait déjà pour la plus grande entreprise de son secteur et il n’y avait pas de poste lui correspondant au-dessus du sien. Il songeait à quitter le pays au profit de la Pologne… 

Tiens donc, l'emprunte de la main de M. Nazerbaiyev ! Encore ?

Nous sommes peut-être un peu durs, mais pour nous, Almaty n’a pas été d’un grand intérêt. Certes, la météo est bien plus clémente et le centre est davantage dynamique qu’à Astana. Mais d’un point de vue touristique, il n’y a pas de grands monuments à admirer, le centre de la ville n’est pas marqué (place centrale ou autre), il s’agit de rues qui se croisent perpendiculairement, chacune avec son lot de commerces, d’habitations. A l’issue du free walking tour, nous restions sur notre faim. Quant au fait qu’il n’y ait pas de grands monuments et de grands bâtiments plus généralement, cela s’explique par un risque sismique élevé dans cette zone. Par contre, grâce à son système d’irrigation caché sous le bitume, la ville est très arborée, ce qui est appréciable et diminue un peu la petite sensation d’étouffement du smog (Almaty est entouré sur trois de ses côtés par des montagnes). Nous garderons quand même de très bons souvenirs de son bazar. Vincent a particulièrement apprécié le rayon boucherie… 

Ce qui vaut le coup, ce sont en fait les alentours d’Almaty. Nous avions ainsi planifié de nous échapper pour quelques jours. Le dernier soir en ville, en attendant que notre hôte couchsurfer rentre du travail, nous avons décidé d’aller nous installer en terrasse. Evidemment, la carte était écrite en alphabet cyrillique. Nous avons appelé le serveur pour essayer de comprendre un peu ce qui était proposé. Voyant que nous nous adressions à lui en anglais, il a appelé son collègue, qui lui saurait nous répondre. Nous avons engagé la conversation. C’était son premier jour de travail ici. Il était curieux de savoir ce que nous avions vu de son pays et à Almaty. Nous lui avons entre autres raconté que nous étions déçus car nous n’avions pas pu aller à la grande patinoire entre les montagnes car quand nous étions descendus de la station de ski, elle était fermée pour pause technique pendant deux heures. Il nous a alors proposé d’y aller ensemble dans les prochains jours ! Nous avons saisi l’occasion et prévu de nous recontacter à notre retour dans la ville, quelques jours plus tard, car nous avions prévu une petite escapade dans les environs.

Nous sommes donc partis avec une voiture louée (presque neuve) tout d’abord pour aller visiter des canyons, ensuite pour aller randonner en montagne au niveau de deux lacs. Nous avons visité le Canyon Charyn le premier jour. C’était plutôt fréquenté malgré la basse saison, et nous comprenions bien pourquoi : c’était magnifique.

 Nous avions prévu de passer la nuit dans la voiture pour voir le lever de soleil le lendemain matin. Nous avons apprécié voir les lieux se vider, contempler le soleil décliner tout doucement sur ce paysage magnifique, laisser s’égrener le temps ayant fait le choix de rester passifs, au milieu de nulle part. Quant au lever de soleil, celui-ci a été rapide car le ciel était nuageux mais nous n’avons pas du tout regretté notre décision. 

Le deuxième jour, une fois le soleil levé, nous avons filé vers le deuxième canyon : le canyon jaune. Nous ne savions pas dans quoi nous nous embarquions… Nous avions les indications d’un voyageur bloggeur, notre application de localisation sans besoin d’internet et c’était tout, car il n’y avait aucune indication nulle part pour aller à ce canyon. Nous avions quitté la route goudronnée depuis un petit moment lorsque la piste que nous suivions s’est divisée en deux. Nous n’avions aucune idée de laquelle il fallait prendre, alors nous avons choisi celle qui s’enfonçait un peu plus vers les petites montagnes, s’éloignant des rares habitations et de la route goudronnée. Il faut ajouter qu’au moment de choisir la voiture, nous avions hésité à louer un 4x4 mais devant les coûts bien plus élevés et avec l’avis du bloggeur affirmant que c’était possible en simple voiture, même si venir en 4x4 était une bonne idée, nous avions donc opté pour la « simple » voiture. Par ailleurs, en autostop, nous ne comptions plus les pneus éclatés laissés sur le bas-côté, les voitures en remorquant d’autres avec une sangle, les pare-brises très (très très) fissurés… Eh oui, il n’y avait pas Carglass ici. Nous nous étions bien renseignés sur l’assurance de la voiture et avions même acheté une carte Sim locale, au cas où. Bref, nous étions plus ou moins confiants et conscients de ce qui pouvait nous arriver et nous nous sommes donc un peu plus enfoncés sur la piste allant vers ces petites montagnes. 

La piste devenait de plus en plus mauvaise, les cailloux de plus en plus gros. Il fallait parfois descendre de voiture et en pousser sur les bas-côtés, et bien sûr, faire en sorte que le bas-de-caisse de la voiture ne râcle pas (enfin pas trop...). Nous continuions d’avancer, encouragés par la distance vers le canyon qui se réduisait. A un moment, nous nous sommes dit que quand même, c’était vraiment bête de risquer une panne au milieu des petites montagnes où nous étions désormais, sans âme qui vive depuis des kilomètres et qu’on avait de la chance que la voiture n’ait rien jusque-là. Pour en rajouter à l’ambiance, il y avait un crâne d’animal et des os à côté de la piste. Oui, nous allions faire demi-tour, dommage pour le canyon, mais tant pis. 

Le retour a été sans embûche, ouf. Une fois à la bifurcation, nous avions bien envie d’essayer l’autre piste… Nous nous y sommes donc engagés, et rapidement, nous avons compris que c’était la bonne voie. Youpi ! La piste était bien mieux que de l’autre côté, même s’il fallait aussi faire attention. La route continuait en descendant vers le canyon. A peine engagés depuis une trentaine de mètres, nous avons réalisé que la piste devenait de nouveau trop rude et qu’il fallait mieux faire marche arrière, car le demi-tour était ici impossible. Entre cet instant et le moment où nous sommes effectivement remontés, il s’est bien écoulé 45 minutes... 

Pour ceux qui veulent le détail de la manœuvre, le voici. Pour les autres, sautez le paragraphe ! En fait, en faisant marche arrière, la voiture s’est petit à petit décalée alors qu’il y avait une importante différence de dénivelé entre les côtés droit et gauche de la piste. La roue avant qui était plus en hauteur a descendu la marche, n’était plus assez en contact avec le sol et s’est mise à patiner. Avec ça, le bord de la piste sur le côté le plus bas était très en pente et il ne fallait vraiment pas en sortir, ce que nous étions en train de faire. Ah, et il s’est mis à pleuvoir… Après avoir essayé de mettre des cailloux sous la roue qui patinait pour qu’elle reprenne de l’adhérence, sans succès, nous avons compris qu’il fallait faire descendre la quatrième roue (arrière) de la différence de hauteur, pour que le poids soit bien réparti sur les quatre roues, ou du moins les deux roues avant. Ensuite, il faudrait avancer un peu vers un endroit avec moins de différence de hauteur entre les roues droites et les roues gauches pour faire remonter le côté droit et se retrouver sur la piste. Bon, on sortirait un peu plus de la piste vers la pente, qui était instable car il y avait beaucoup de cailloux, mais bon. C’était ça ou appeler l’assistance ou encore marcher vers une ferme très loin (Mélanie avait vu un tracteur en passant, ce qui est plutôt rare dans le coin). Heureusement pour nous, cette nouvelle manœuvre a été un succès.

Nous étions tellement soulagés de nous sortir de cette situation ! Plus de peur que de mal, nous n’avions toujours pas crevé ! Nous avons finalement parcouru à pied les derniers kilomètres pour aller dans le canyon. Le visiter avait une saveur particulière, vous imaginez bien. Entre le moment où nous avons quitté la route asphaltée et celui où nous y sommes retournés, nous n’avons croisé personne…

Vincent portant son bonnet façon kazakhe
Vincent portant son bonnet façon kazakhe

Et la journée n’était pas finie… ! Nous avions ensuite prévu de rouler jusqu’à un village dans les montagnes et d’y loger, pour partir tôt en randonnée le lendemain matin car il y avait environ six heures de marche. Bien sûr, nous n’avions pas prévu de perdre autant de temps à ce canyon, et quand nous sommes partis, le jour déclinait déjà. Et encore, nous ne savions pas qu’entre le temps de trajet indiqué et le temps réel, il y avait plusieurs heures de différence ! Si à un moment, nous nous réjouissions de rouler sur une belle route toute neuve, sans aucun défaut (ou presque), nous avons vite déchanté. Les travaux n’étaient visiblement pas achevés puisque après plusieurs heures de route, plus d’asphalte. Il nous restait environ une trentaine de kilomètres. Et bien sûr, nous arrivions dans une zone montagneuse, il faisait nuit, la jauge du réservoir d’essence avait perdu beaucoup de barres et on ne peut pas dire que la zone de travaux soit vraiment aménagée pour les voitures qui devaient quand même passer. Nous prenions donc notre temps (nous n’avions pas vraiment le choix). 

Pour avoir une idée de la route sur les derniers kilomètres, de nuit bien sûr !
Pour avoir une idée de la route sur les derniers kilomètres, de nuit bien sûr !

Nous avons traversé un premier village, il paraissait inhabité, il n’y avait pas de lumière dans les maisons et évidemment pas de station essence (en deux jours, nous n’en avions vu aucune depuis Almaty…). Nous avons continué d’avancer. La présence d’une voiture devant nous atténuait l’impression d’être complètement perdus et on ne sait jamais, en cas de pépin… Et voilà qu’il se mettait à neiger ! Bon, nous nous sommes dit que cela devrait le faire quand même. Et voilà que la voiture de devant faisait fait demi-tour. Mais, pourquoi ? Nous avons traversé un deuxième village, même impression que pour le premier, pas un signe de vie. Mélanie a commencé à se demander s’il y aurait vraiment des habitants dans le village où nous allions (le prochain), parce qu’il était clair que nous n’aurions pas assez d’essence pour le retour. Sur la carte, nous avions vu qu’il y avait un hôpital, plusieurs guest-houses, une station essence, un bistro, une supérette. Il devrait donc y avoir de la vie ! Finalement, nous y sommes arrivés. C’était étrange, les habitants avaient l’air d’être déjà tous couchés car le village était dans le noir, alors qu’il n’était pas si tard. Les routes étaient en terre, il y avait deux vaches qui erraient, tranquillement. Nous sommes allés à la première guest-house, elle était cadenassée de l’extérieur. Il y avait quand même deux ou trois personnes à pied, ici et là. Nous sommes allés à la deuxième, nous avons vu un feu au loin et quelqu’un l’attiser. Nous avons appelé mais personne n’a répondu, nous nous sommes donc décidés à ouvrir le portail et entrer. La personne retournait dans la maison, nous l’avons appelée mais elle n’a pas réagi. C’était bizarre, elle nous avait bien entendus ! Finalement, elle est ressortie de la maison et nous l’avons abordée en anglais. C’était une femme, et elle parlait anglais ! Elle nous a confirmé que c’était bien une guest-house ici, mais qu’il n’y avait plus de place. Elle nous a proposé de rentrer. L’intérieur était tout le contraire de l’extérieur. Nous sommes rentrés dans une pièce bien chauffée, éclairée (après être passés par une entrée plongée dans le noir), remplie de personnes à table et l’ambiance était chaleureuse et animée. On nous a finalement expliqué qu’il y avait une panne d’électricité dans le village ! Cela devait être le cas dans les villages précédents. Les personnes présentes étaient des touristes venus d’Almaty pour le week-end, famille et amis réunis. Ils nous ont proposé du thé, puis nous demandant si nous avions diné, ils nous ont servi à manger. Pendant ce temps, quelqu’un était parti nous chercher des places ailleurs. Nous avons même été servis plusieurs fois d’un alcool qu’ils appelaient « tchou-tchou » pour trinquer à eux. Quel accueil ! Quand on est revenu nous chercher pour aller à l’autre guest-house, nous n’avions pas envie de partir tellement nous étions bien !

Quand nous sommes arrivés à destination, nous avons compris qu’il ne s’agissait pas d’une guest-house mais d’une simple famille nous accueillant moyennant finance bien sûr. Les parents nous laissaient leur chambre et allaient dormir avec les deux enfants, dans l’autre chambre, par terre ! Ces quelques jours avec eux nous ont permis de cerner leur quotidien : lui sortait leur troupeau de bêtes le matin, les accompagnait dans leur pâturage la journée et les rentrait le soir, elle restait à la maison et gérait l’intendance, s’occupant également de son fils de deux ans, l’autre allant à l’école. 

Ils avaient l’électricité et internet, mais pas l’eau courante. La douche était dans un bâtiment à part et il fallait anticiper ! En effet, il fallait allumer un poêle à charbon qui chauffait le petit bâtiment ainsi qu’une réserve d’eau. Il y avait une première pièce où se déshabiller et laisser ses affaires, une deuxième pour prendre la douche et une troisième en enfilade qui était en fait un petit sauna fait maison ! Pour la douche, il fallait prendre de l’eau brûlante avec une casserole et la mélanger avec de l’eau froide. L’évacuation se faisait par des trous sous la dalle en bois de la douche. Quel décalage une fois encore, par rapport au confort que nous avions dans les villes ! 

Nous avons eu un petit désagrément à propos de la douche d’ailleurs… Nous n’en avions pas pris le premier soir malgré notre très grande envie car il était tard, il n’y avait pas d’électricité et la communication était difficile. Inutile de dire que le deuxième soir, après notre grande randonnée en montagne, quand on nous a proposé le « bagno », nous avons accepté tout de suite. Après ce moment tant attendu, au moment de payer pour l’hébergement, notre hôte a demandé un supplément pour la douche. Il ne l’avait pas évoqué au moment où il nous a proposé de prendre la douche, et dans notre esprit, il était évident que la douche était comprise. Nous avions l’impression qu’on cherchait à abuser de notre argent. Il n’était donc pas question de payer ledit supplément, notre hôte n’a pas insisté, et nous avons réglé le montant convenu à notre arrivée. Nous étions quand même déçus, cela nous ramenait à la froideur de notre statut de client, alors que nous partagions leur quotidien et jouions par terre avec les enfants. Le lendemain matin, nous y pensions toujours, la déception était tenace, même si nous relativisions déjà. Peut-être que pour eux, cela représentait vraiment une dépense supplémentaire, ils ne prenaient pas de douche tous les jours. Alors que nous prenions le petit-déjeuner avec la femme, son époux étant déjà parti au travail, elle a évoqué notre voiture, en disant qu’elle était grande. Nous lui avons expliqué qu’elle n’était pas à nous, que nous l’avions louée. Vincent a cru voir du soulagement sur son visage, comme si elle comprenait mieux notre refus de la veille. Et nous, nous comprenions mieux ce qui avait pu les motiver à demander ce supplément. Nous nous sommes quittés en bon termes.

En autostop, les arrêts photos n'étaient pas possibles. Pendant ces quelques jours, nous avons pu nous rattraper et profiter de l'immensité de la steppe et de ses habitants en liberté. N'imaginez pas que vous pourrez les approcher ! Ils sont habitués à être conduits en troupeau par l'homme, ils sont donc craintifs. 

Une fois la voiture rendue (très poussiéreuse mais intacte) et la soirée avec Arman le serveur et son amie Diana écoulée, il était temps de reprendre la route pour le Kirghizstan.