Le Kazakhstan : un premier pied en Asie (1/2)

Du 26 au 28 novembre 2017

L’arrivée au Kazakhstan

 

On ne peut pas dire que le Kazakhstan soit une destination touristique de premier choix et avant d’y arriver, il ne nous évoquait pas grand-chose. Nous avions seulement en tête qu’il a fait partie de l’URSS, que c’est un très grand pays et que son sol est riche en pétrole et en gaz. Après de rapides recherches, nous avons appris que Nursultan Nazerbayev, âgé aujourd’hui de 77 ans, est au pouvoir depuis la chute de l’URSS en 1991 et qu’il a remporté les dernières élections avec un score de 98% ! Le programme était de s’arrêter au nord, à Astana, la capitale, puis de descendre pour peut-être faire étape à Almaty, deuxième ville du pays. Almaty était en fait la capitale du pays jusqu’en 1997, date à laquelle le président a décidé de changer au profit d’Astana. En effet, stratégiquement, une capitale plus près géographiquement de la Russie permettait de renforcer le sentiment d’appartenance des habitants du nord du Kazakhstan à leur pays. Le nord étant très peuplé de russes, il valait mieux éviter une future éventuelle demande de rattachement au grand voisin du nord plus riche et plus développé…

 

 

Il faut également ajouter que puisque nous sommes arrivés par la Russie, nous avons eu plusieurs mises-en-garde de chauffeurs russes : d’après eux, il fallait faire attention car il y avait des gens dangereux, des bandits et des voleurs, sous l’emprise d’opium. Comme nous avions des difficultés à le comprendre, un chauffeur (policier russe, nous en reparlerons dans notre article futur sur l’autostop) nous a même fait le geste de se trancher la gorge avec le fameux « couic » qui va avec. Bref, pas très rassurant, même si nous avons appris qu’il fallait se méfier de ce genre de préjugés. En fait, la drogue en provenance de l’Afghanistan et à destination de la Russie, transite par l’Asie centrale.

Le passage de la frontière russo-kazakhe nous a donné l’impression de basculer dans un nouveau continent. Le chauffeur policier russe évoqué plus haut nous a déposés à la frontière pour que nous la traversions à pied. La sortie de Russie s’est effectuée sans difficulté. Une fois encore, le douanier a tiqué sur la page blanche du passeport de Vincent. Cela doit être une simple erreur d’impression mais elle attire l’attention à chaque fois. Nous étions maintenant à la porte du Kazakhstan. C’est lorsque nous avons approché le premier policier kazakh que nous avons eu l’impression d’avoir mis un pied en Asie : les premiers yeux bridés. Ce policier n’avait pas l’air très habitué à croiser des touristes. Après nous avoir demandé si nous avions des armes à feu, il nous a mimé le geste d’un couteau qu’on planterait dans le ventre. Mince, nous nous sommes dit que nos deux couteaux de voyage n’allaient pas lui plaire… Nous avons ensuite compris avec le mot « Electrochoc » (avec le R roulé bien sûr) accompagnant son geste qu’il nous demandait en fait si on transportait un taser. Surpris par sa demande, nous lui avons donné une réponse amusée, et c’est peut-être cela qui l’a fait se décider à nous demander d’ouvrir nos sacs, alors qu’il semblait prêt à nous laisser passer. Nous nous sommes bien sûr exécutés et en vérifiant rapidement nos affaires, il a touché le dos du sac de Vincent et a senti les renforts en acier qui permettent sa bonne tenue. Ne comprenant pas ce dont il s’agissait et croyant peut-être que nous dissimulions quelque chose, il nous a demandé d’ouvrir. Mais c’était bien sûr impossible sans déchirer le tissu ! Nous avons tenté de lui expliquer qu’il ne s’agissait pas d’une poche, et c’est en lui montrant les renforts du sac de Mélanie qui eux étaient visibles qu’il nous a finalement laissés passés. Il ne devait vraiment pas avoir l’habitude de voir des touristes, encore moins avec des sacs à dos en guise de bagage. Après quelques questions sur les différents tampons de nos passeports, nous étions arrivés au Kazakhstan. Nous nous sommes postés auprès d’un panneau pour arrêter voiture ou camion : « Astana 891 km ». Le pays était vraiment très grand (neuvième plus grand pays du monde).

Comme s’il respectait la frontière étatique, le paysage avait changé. Le sud de la Russie avait servi de transition : nous pouvions voir très loin à la ronde. Mais là, devant nos yeux, c’était impressionnant, nous avons découvert ce qu’était la steppe. Les étendues étaient immenses, rien ne venait gêner notre vision, pas un arbre, pas une colline, rien. L’horizon terrien se confondait avec le ciel. Nous étions bouches-bée. Nous n'avons pas osé sortir notre gros appareil photo, nous nous sommes contentés du smartphone mais le rendu n'a pas été satisfaisant, tant pis. Nous avons vu notre premier berger à cheval, galopant dans cette immensité, pour rejoindre son troupeau afin de le rassembler et de le guider vers l’étable, avant la tombée de la nuit. Puis le jour a décliné et nous avons dû remettre au lendemain notre contemplation.

Notre chauffeur nous a déposé à un hôtel à Kostanaï et là, nous étions les bêtes curieuses. Nous sommes allés diner au restaurant de l’hôtel, le Kꭤфe (lire « café »). Alors que de notre côté, nous nous retenions de trop dévisager ces faciès nouveaux, la serveuse, elle, était accoudée sur son comptoir, face à nous, la tête posée sur les mains. Elle ne nous quittait pas des yeux. Il ne manquait plus que le mâchouillement d’un chewing-gum bouche ouverte et le tableau était complet.

Une première étape à Astana

 

 

Le lendemain, nous sommes arrivés à Astana, deuxième capitale la plus froide du monde. Il faisait nuit, nous n’avions pas d’adresse où aller. Nous avons été déposés près d’un arrêt de bus. Nous voulions trouver un bus pour nous amener dans le centre, afin d’y chercher un hôtel. Avec notre smartphone et notre application de traduction, nous nous sommes adressés en russe à une femme attendant à l’arrêt. Elle le comprenait bien et nous a répondu que les hôtels étaient très chers dans le centre. C’est ce que nous avions plus ou moins lu. Nous lui avons demandé du tac au tac si elle en connaissait un à proximité, bon marché. Elle a commencé à nous expliquer quel bus prendre et comment y aller mais son bus est arrivé et elle a appelé un policier pour nous aider. Pas le temps de lui traduire quoi que ce soit et il nous a fait monter avec lui dans un bus qui arrivait. Nous avons voulu payer les tickets mais il a refusé et a réglé la note ! Nous nous sommes dit qu’il allait nous indiquer où descendre. Après nous avoir demandé d’où nous venions, il nous a fait signe de le suivre et est descendu du bus. Nous avons marché environ 500 mètres et il nous a désigné l’hôtel au loin. Impossible de l’arrêter pour le remercier, il marchait d’un bon pas vers le bâtiment. Tout au long de notre marche, les passants nous dévisageaient. C’est vrai que cela pouvait donner une étrange image : deux personnes en sac-à-dos, vêtements de randonnée, suivant un policier, dans un coin pas du tout touristique puisque nous étions en banlieue de la ville. De notre côté, nous étions très amusés et surpris de se faire escorter de la sorte. Il nous a accompagnés jusqu’à la réception de l’hôtel, a dialogué avec l’employée pour nous obtenir une chambre qui en plus était à un très bon prix (par rapport à ce que nous avions pu lire). Quand la femme de l’arrêt de bus nous a dit que c’était bon, que le policier allait nous aider, nous ne pensions pas que cela serait à ce point ! Cela aurait été impossible de voir cela en France. Est-ce qu’il nous aidait sur son temps de travail ou est-ce qu’il attendait le bus pour rentrer chez lui comme tout le monde ? Nous n’avons pas résisté à l’envie de lui demander de prendre une photo tous ensemble. Quel accueil à Astana et au Kazakhstan !

Nous sommes restés quelques jours à Astana, avant tout pour nous reposer, mais aussi pour découvrir cette ville florissant au milieu de la steppe sous l’impulsion du président, et désignée nouvelle capitale du pays. Nous savions à quoi nous attendre et nous n’avons pas été déçus. 

Nous en garderons un souvenir mitigé. Certes c’est une ville impressionnante, du moins au niveau de son architecture futuriste. Mais après avoir traversé une bonne partie du pays et rebondi à chaque différence de hauteur de la chaussée, après avoir été trimballés à droite puis à gauche pour éviter chaque nid-de-poule sur le bitume en très mauvais état, après avoir fait des pauses dans des « Kꭤфe » où un simple trou dans une cabine à l’écart fait office de toilettes, nous avons été dégoûtés par cette démesure. Il faut savoir que tous ces buildings ont été réalisés par des architectes mondialement reconnus, avec en partie l’argent de l’Etat, et que nombre d’entre eux sont toujours vides à ce jour… Nous avons été « visiter » un centre commercial impressionnant au niveau architectural car son toit en éthylène tétrafluoroéthylène (ETFE) résiste aux grands écarts de température du climat continental d’Astana et permet une température ambiante de 15 à 20°C toute l’année (même quand il fait -30°C). A l’intérieur se trouvent une multitude de magasins, des manèges et même un complexe aquatique avec une plage de sable et ses palmiers ! Le fait de nous retrouver au milieu de ce temple de la consommation de cinq étages, en comparaison où nous étions deux jours plus tôt, nous a mis mal à l’aise. Nous étions samedi après-midi, il n’y avait personne dans les rues au milieu des gratte-ciel, mais le centre commercial lui, était bondé ! 

On nous a dit que le président a fait construire Astana pour qu’on se souvienne de lui, comme son œuvre. En effet, architecturalement, c’est grandiose. Les bâtiments font honneur au terme « gratte-ciel » et ils rivalisent de modernité. Mais c’est surtout l’organisation spatiale qui est a été très soignée. Ce centre, qui est plutôt un quartier d’affaire (aussi vivant le vendredi que déserté le samedi), est organisé en une grande place piétonne ovale, bordée desdits gratte-ciels, où règnent alignement parfait et symétrie. Elle va du centre commercial à une extrémité, au palais présidentiel de l’autre. En son centre parfait se trouve la tour qui est devenue le symbole de la ville et qui permet une vue imprenable sur toute la place, et même sur la steppe tout autour de la ville. Nous y sommes montés, et que trouve-t-on tout en haut, en son centre parfait ? L’emprunte de la main de Nazerbayev ! Il ne serait pas un brin mégalomane ? Dans l’ascenseur en redescendant, nous avons entendu un kazakh, en costume, visiblement en train de faire la présentation d’Astana et du Kazakhstan, expliquer en anglais à une femme en tailleur qu’en plus, Almaty était seulement à une heure d’avion d’ici. Quel décalage entre cette vision et ce que nous avions traversé ! 

Ce samedi après-midi touchant à sa fin, nous avions cheminé vers le palais présidentiel tout au bout de la place, nous faisant les réflexions précédemment développées. L’endroit était désert. Nous avons eu tout le loisir de voir les multiples malfaçons d’Astana : un sol non plan où l’eau de pluie stagne, des pavés déjà plus que fissurés… La ville nous donnait à présent une impression de carton-pâte, comme construite à la hâte. Le palais présidentiel à cette extrémité, semblait trôner sur la ville, comme la signature de l’œuvre de Nazerbayev. 

Alors que nous demandions notre chemin à des gardes du palais, nous avons été interrompus par un cortège officiel : une voiture noire, encadrée devant et derrière par deux fourgons noirs aux vitres teintées. Nous qui étions sur la route, nous avons dû monter sur le petit trottoir pour laisser les voitures passer et avons croisé le regard d’un homme à l’avant de la voiture, la tête ronde aux cheveux grisonnants, à côté du conducteur. Il nous a regardé, devant se demander qui nous étions et ce que nous faisions là. Nous ne ressemblions pas vraiment à des citadins avec nos habits de randonnée et notre appareil photo autour du cou. Cela a duré quelques secondes seulement. A peine la voiture passée, nous nous sommes regardés, avec un grand sourire. Et si… ? Nous sommes retournés auprès des gardes : c’était bien le président !!! En tout cas, il était bien dans la voiture, à un mètre de nous. Est-ce qu’il était bien à l’avant ? Car c’était impossible de voir à l’arrière à cause des vitres teintées. On ne sait jamais, à son âge, il ne supportait peut-être plus d’être à l’arrière et avait besoin de voir la route… Nous l’avions tellement vu en photo à travers le pays que ça a fait tilt. Mais bon, pour être raisonnables, on dira seulement qu’on a vu la voiture présidentielle. Oh et puis zut, non, nous avons vu Nazerbayev ! C’était tellement cocace après avoir passé plusieurs jours à discuter politique avec certains chauffeurs, puis après ces deux jours à Astana !

Nous sommes ensuite repartis en autostop, direction Almaty, où il paraît qu’il fait bon vivre… La route traversait toujours la steppe, davantage désertique.